Ce site présente le grand projet de Timothée Chalazonitis & Clément Valette,
amorcé à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris.
L’INSCRIP-
TION
CITOYENNE
DANS
L’ESPACE
PUBLIC.
L’année dernière, nous avons écrit un mémoire questionnant l’écriture dans l’espace public. Nous avons défini des principes qui nous semblent fondamentaux à appliquer aux écritures exposées* : * Béatrice Frænkel, Les écritures exposées : Événements et scènes d’écriture. - prendre en compte le contexte - choisir les matières à utiliser - s’inscrire dans la durée - faire des formes à la main et en accepter les maladresses Cette année nous avons acquis un savoir-faire : La fresque, de l’italien « a fresco » qui signifie « à frais » est une technique de peinture murale. Sa réalisation s’opère sur un enduit issu de matériaux naturels: le sable, l’eau, la chaux. Sa particularité est la peinture se fait avant que l’enduit ne soit sec, pour permettre aux pigments de pénétrer dans la matière, de ce fait les couleurs durent plus longtemps que sur un autre type de peinture. Nous développons ce savoir-faire dans un travail de commande et dans l’espace public.
Face à l’abondance des messages publicitaires et éphémères, comment redéfinir l’environnement graphique qui façonne nos villes ? Comment jouer avec le statut des écrits présents dans l’espace public, de quelle manière peuvent-ils affecter, alerter l’opinion publique ?
Utiliser le mur comme support d’information et de communication permet de contextualiser un message unique en se greffant à l’architecture. Produire des écritures didactiques, historiques et poétiques dans le paysage urbain permet de proposer des sujets de discussions entre citadins dans l’objectif de développer des échanges et des réactions de leurs parts. Pour s’écarter des codes visuels de l’écriture épigraphique classique - trop liée aux notions de deuil, de commémoration et langage du pouvoir - il faut proposer des choix typographiques plus larges, des mises en espace moins conventionnelles, utiliser des matériaux composites, détourner les codes de l’écriture lapidaire afin de rendre plus interactif ces écrits aux lecteurs.
Voici quelques références qui nous ont marqué.
A Pasteur & Husserl Hiver 2012
Reproduction d’une planche d’étude de Louis Pasteur sur l’amertume du vin, mise en relief par la technique du graffito. Le changement d’échelle apporte une notion formelle et abstraite aux recherches menées par Pasteur dans son laboratoire situé au 45 rue d’Ulm.
B Grazie, à l’Institut Culturel Italien de Paris Printemps 2013
C’est le premier travail de commande réalisé dans la cours de l’Institut Culturel Italien de Paris, 73 rue de Grenelle dans le 7e arrondissement. Il fallait graver les noms des donateurs de l’Institut. Afin de rester en harmonie avec l’architecture du lieu, nous avons utilisé un enduit clair, rappelant les pierres du bâtiment. La composition perturbe la lecture, la questionne. Le regard du passant ne se porte pas sur un nom mais se perd dans le flottement des lettres sur le mur. Le spolvero se trouve de l’autre côté du mur, à l’intérieur du bâtiment. Un dialogue s’opère entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment, le mur est perméable.
C Graphologie Été 2013
Nous avons fait un graffito parlant de la graphologie* dans le 10e arrondissement à côté d’une école maternelle. Nous avons reproduit une page du livre L’écriture et la connaissance des enfants, de A. Lecerf et G. Malaret publié en 1951. Cette page était composée de traits d’enfants, analysés plus tard dans le livre dans leur forme et leur tracé. Nous avons reproduit ces dessins sur le mur, et le soir de la réalisation du graffito, une personne a gravé par dessus notre graffito dans l’enduit encore frais. Le projet interrompu par cette intervention inattendue nous avons décidé de laisser le graffito dans son état et d’observer son évolution dans l’espace public. Le mur et notre graffito ont été tagués, recouverts par des affiches, jusqu’à ce que la mairie de paris vienne repeindre le mur ; ce que fit ressortir notre dessin original, ainsi que celui de l’inconnu. La technique du graffito, qui permet de travailler en relief et dans la matière, pérennise nos formes, et devient un atout, en comparaison à d’autres médiums de communication. Il peut subir les aléas du temps et des imprévus de la rue, il est ancré dans le mur dans lequel il est gravé. * technique d’analyse de l’écriture qui déduit des caractéristiques psychologiques de la personnalité d’un individu à partir de l’observation de son écriture manuscrite.
D Classifications typographiques Automne 2013
Classifications est un graffito qui recouvre des fresques des années passées, extraites du poème de Paul Celan La Contrescarpe. Cette technique nous permet de faire apparaître certains fragments d’anciennes fresques. Nous avons reproduit la page 229 du livre de Jérôme Peignot, De l’écriture à la typographie où il présente la classification typographique de Thibeaudeau, sur laquelle est posée en mosaïque une remarque de J. Peignot critiquant la classification de Maximilien Vox. Le dessin des lettres est contraint par la résistance et la fragilité des tesselles de verres.
E Un daccapo Hiver 2014
C’est un projet réalisé avec Giuseppe Caccavale, au Palazzo de Carolis, via del corso à Rome qui appartient à Unit Credit. Il y a plus d’un siècle, ce palais était l’ambassade Française. La fresque se trouve dans un espace qui lie une partie très classique du bâtiment et une partie moderne. Elle s’étend sur 7m de long et fait 2,5m de haut. Avant d’atteindre la fresque nous passons devant une bibliothèque.
F Événements potentiels Printemps 2014
En jouant avec les codes « traditionnels » des plaques historiques et commémoratives souvent nominatives, nous inventons des faits sans portée historique. Chaque plaque relate une histoire banale à laquelle un certain nombre de citadins peut s’identifier, devenant ainsi les personnages principaux de ces plaques.
G Hoax ? Printemps 2014
À l’ÉNSAD, nous avons organisé un atelier d’initiation à la technique du graffito pour quelques élèves. Chaque étudiant disposait d’une plaque de béton sur laquelle il était invité à graver le titre d’un hoax ou encore d’inventer un fait potentiel ayant des répercussions dans notre société. L’étudiant choisi la teinte de sa plaque, la composition du texte et la typographie. Ces contenus faux, issus d’internet, liés à une actualité sont matérialisés ce qui perturbe leur temporalité et questionne l’authenticité des informations.
H USTAAAAAAMMMMMMK Printemps 2014
Twitter est une plateforme virtuelle où tout le monde peut prendre la parole et exprimer ses opinions. En matérialisant le tweet du journaliste et écrivain turc Önder Aytaç dans lequel il insulte son premier ministre turc et en le placant dans l’espace public, les passants peuvent échanger sur ce sujet. L’espace public reprend son rôle d’agora et le mur son rôle de support d’expression.
I Önder Aytaç Printemps 2014
Les fresques sont dans la 10e arrondissement le quartier turc et kurde de Paris. Le tweet turc a été gravé en premier, deux semaines plus tard, le 30 mai 2014 c’est son explication en français qui apparaît, le jour où le gouvernement turc a levé le blocage de youtube, maintenu pendant deux mois. Ainsi, en plaçant ce tweet dans l’espace public, la communauté Turque et les habitants du quartier peuvent échanger sur ce sujet d’actualité traitant de la liberté d’expression.
Ce projet n’aurait pas été le même sans la participation de ces personnes que nous remercions chaleureusement : Adrien Ledoux, Benjamin Rossi, Claire Désérable, Clément Ducerf, Davy Bozonnet, Eddy Terki, Fleur Pinsard, Francesca Cozzolino, Franck Jalleau, Giuseppe Caccavale, Juliette Minchin, Laurent Ungerer, Lola Marguaritte, Lucie Laustriat, Marie Descourtieux, Marie-yaé Suematsu, Marion Phelebon, Maxime Mathias, Meghann Biteau, Mehdi Vilquin, Olivier Alexanian, Ruedi Baur, Sarah Garcin, Serkan Aydemir, Thomas Guillemet, Vadim Bernard et nos camarades de classe sans qui ces années auraient été moins plaisantes. Timothée & Clément